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Les Cahiers de l'ACME

in memoriam...

Disparition du luthier électronique Michel Waisvisz le 18 juin 2008

1 Août 2008, 10:30am

Publié par Vinciane Baudoux

Michel Waisvisz - photo (c) NIPC’est donc plus d’un mois après la survenance de ce triste événement que nous apprenons le décès, le 18 juin dernier, du musicien électronique hollandais Michel Waisvisz, né le 8 juillet 1949.
Si nous l’avons appris que bien tardivement, son décès lui-même ne fut malheureusement pas une véritable surprise, Michel Waisvisz combattait en effet depuis de nombreux mois la maladie qui allait finalement l’emporter.

Michel Waisvisz était surtout connu comme compositeur-interprète de musique électronique en direct. Il avait développé de nouvelles interfaces permettant de piloter des instruments électroniques par le toucher. Il s’agissait parfois d’entrer directement en contact avec le courant électrique à l’intérieur même du dispositif, le musicien devenant une pièce pensante de la machine…

La Craklebox, ancienne et nouvelle moutureMichel Waisvisz fut l’un des tous premiers à utiliser des synthés sur une scène de concert, ainsi que des dispositifs de commande gestuelle.
Dans ce domaine, il inventa notamment la CrackleBox, (« Krakdoos » en néerlandais - photo à droite (c) mwais/crackle.org), un instrument de synthèse sonore analogique alimenté par piles, qui se présente sous la forme d’une petite boîte en bois dotée d’un circuit imprimé, dont les contacts sont ouverts ou fermés grâce au contact direct de la main - moite de préférence - de l’utilisateur, ainsi que des Hands (« mains »), sorte de claviers miniatures adaptés aux deux mains et équipés de capteurs variés capables de traduire instantanément les mouvements de la main, du bras et des doigts en données sonores.
Il fut également, avec Frank Bald, le concepteur de logiciels spécialement conçus pour les performances en direct, comme LiSa (« live sampling » -  voir copie d'écran  en dessous à droite), primé en 1998 à Synthèse Bourges, et JunXion.

Outre ses performances en solo et ses compositions pour le théâtre musical, il collabora avec de nombreux musiciens comme Laurie Anderson, Steve Lacy, Jan Werner (Mouse on Mars), Truus de Groot, Najib Cheradi, Hans Tutchku, Moniek Toebosch, The Nieuw Ensemble, DJ Spooky, Willem Breuker, l’Orchestre Symphonique de San-Francisco, Maarten Altena, …

Le logiciel LiSa - copie d'écranEn 1973, il rallie le STEIM (Studio for Electro-Instrumental Music, Amsterdam, Pays-Bas), une nouvelle structure dans laquelle des artistes issus des milieux de la musique, du théâtre, de la danse et du multimédia, ainsi que des DJ’s et des vidéastes, viennent développer leurs propres instruments de musique électronique. Au début des années quatre-vingt, il en devient le directeur.

Michel Waisvisz est par ailleurs le concepteur de la « Physical Philosophy » (littéralement : « philosophie physique »), une « philosophie » dont les axiomes sont remplacés par des objets physiques…

Il militait pour que les artistes, afin d’éviter la « contamination » de leurs œuvres par le conformisme des outils de création standardisés, adaptent outils et instruments en les modifiant (cf. le concept de « Circuit Bending »), voire les construisent sur mesure.

Couverture Cahiers de l'ACME n° 89Dans les années ’70, en parlant des instruments électroniques, il lança le slogan : « Si tu ne l’ouvres pas, ce n’est pas à toi ! ». Cette maxime est devenue la profession de foi du STEIM : les créateurs de musique y sont en effet encouragés à jouer un rôle majeur dans la conception et la construction de leurs propres instruments destinés à la musique électronique en direct.

Plus récemment mais toujours dans la même optique, c’est encore Michel Waisvisz qui fut à l’origine du projet OIK (« Open It Kit ») au STEIM.

 En tant que performeur et dès ses débuts comme étudiant autodidacte, Michel Waisvisz s’est produit sur une grande variété de scènes, depuis les lieux intimistes destinés aux performances d’avant-garde jusqu’aux salles grand public.

Enfin, sachez qu'un article lui a été consacré dans le n° 89 de nos Cahiers (31 juillet 1989), à l'occasion de sa présence au festival Synthèse de Bourges le 10 juin 1989. Vous pouvez télécharger cet article
ici.

Au revoir, Michael, les électroacousticiens, luthiers électroniques et autres « bidouilleurs de circuits » de part et d’autre de l’Escaut ne t’oublieront pas de sitôt…

Vinciane Baudoux.

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La pionnière américaine de l'électroacoustique Bebe Barron rejoint la «Planète Interdite»

25 Avril 2008, 17:13pm

Publié par Vinciane Baudoux

Nous apprenons le décès, ce 20 avril aux USA, de Bebe Barron, pionnière américaine de la musique électronique et électroacoustique.

Bebe Barron est née Charlotte Wind, à Minneapolis (USA) le 16 juin 1925.

Titulaire d’une licence en sciences politiques de l’Université du Minnesota et d’une licence en ethnomusicologie de l’Université de Mexico, elle étudie notamment la composition avec Roque Cordero, puis avec Wallingford Reigger et Henry Cowell.

Bebe et Louis Barron dans leur studio (c) les héritiers de Bebe et Louis BarroEn 1947, elle va habiter à New-York et épouse Louis Barron. A l’occasion de leur mariage, les Barrons
(photo) reçoivent en cadeau un enregistreur à bande, sur lequel ils font des expériences d’enregistrement et de manipulation sonores.

Les Barrons  montent leurs propres circuits électroniques. Ceux-ci, construits autour de tubes à vide, possèdent chacun leurs propres caractéristiques en matière de hauteur, de timbre et de rythme. Les Barrons amplifient les sons issus de ces circuits et les enregistrent pour constituer leur propre bibliothèque sonore en vue de compositions ultérieures - pas de « soundfonts » téléchargeables sur Internet à l’époque ! Ils recourent également aux techniques de montage sur bande.

Contrairement aux oeuvres réalisées ailleurs, celles qui ont été produites dans le studio personnel des Barrons font apparaître de longues phrases musicales, dont la source est souvent constituée de cellules rythmiques soumises à un processus de retard sur bande, associées à la finesse des timbres produits par les tubes à vide. Ce style - la marque de fabrique Barron - est représentatif de leur travail personnel, mais également très « typé » par les technologies d’époque, ce qui lui donne un petit côté « vintage ».

Affiche pour Forbidden PlanetLe couple Barron passera à la postérité pour la réalisation de la première bande sonore électronique pour le film de science-fiction en cinémascope « Forbidden Planet » (1956), ce qui, étant donnés les moyens technologiques employés à l’époque, constituait un exploit !

Si, à l’écoute, la composition - tout comme le film d’ailleurs - présente un aspect « vieillot », il convient néanmoins de resituer cette création dans son contexte : à l’époque, bien plus qu’aujourd’hui, la musique était censée apporter un soutien important à l’image - ce que l’on faisait d’habitude en écrivant une partition pour un orchestre symphonique.
Dans le cas de « Forbidden Planet », les deux électroacousticiens ont composé une musique de film avec des sons électroniques de leur fabrication ; le but était de donner une ambiance sonore « futuriste » au film, ce qui fut une réussite totale !
 
En 1973, après son divorce, Bebe épouse en secondes noces le scénariste Leonard Neubauer. Elle poursuit sa carrière dans l’univers électroacoustique et devient dans la foulée la première Secrétaire de la « Society for Electro-Acoustic Music in the United States » (SEAMUS) en 1985 ; elle fera également partie du Conseil de direction de cette institution.

En 1997, Bebe a reçu le Prix SEAMUS
pour le travail réalisé par le couple Barron (Louis Barron est décédé en 1989) dans le domaine de la musique électroacoustique.

Bebe Barron-Neubauer laisse derrière elle son second époux Leonard et son fils, Adam.

Le présent lien Internet vous renverra au site Internet de Synthopia, qui vous propose une biographie de Bebe Barron en anglais, des extraits vidéo de « Forbidden Planet » et d’une interview de la compositrice, la liste de ses œuvres principales (composées entre 1952 et l’an 2000) et d’autres liens Internet pour approfondir le sujet .

Pour votre édification, vous pouvez  également écouter des extraits de la BO de Forbidden Planet (site Internet d'Amazon).

Enfin, sachez qu’un livre spécifiquement dédié à l’analyse musicale du film Forbidden Planet et intitulé « Louis and Bebe Baron’s Forbidden Planet : A Film Score Guide », par James Wirezbicki, a été publié chez www.scarecrowpress.com.

Vinciane Baudoux
 

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